La Croix, 18 mai 2006, par Jean-Maurice de Montremy

« La villa Chagrin, à Bayonne, fait l’angle des boulevards Alsace-Lorraine et Jean-Jaurès. Derrière, l’Adour est haut, au mois de mars. En 1938, on enfermait à la villa Chagrin ceux qui tentaient de rejoindre l’Espagne, ou ceux qui la quittaient. » C’est de ce côté-là que rôdent les souvenirs de la narratrice – une femme qui vient de perdre son amour. Tout en songeant à l’homme aimé, celle-ci se penche sur le destin de Marthe Arnaud qui fut la compagne du peintre Bram Van Velde (1895-1981) de la fin des années 1930 jusqu’à sa mort accidentelle en 1959. Les traces du séjour à Bayonne de Marthe et de Bram – années difficiles de silence et de dénuement – croisent celles de la disparition qu’est en train de vivre la narratrice. Même économie, même réserve, même intensité réduite à l’essentiel : l’errance fantomatique des deux destins autour de la villa Chagrin révèle, en Marie Cosnay, une styliste dont l’inspiration reste encore très proche de la poésie.