Libération, 15 juin 1995, par Jean-Didier Wagneur

La Sauvette est un livre de passion, ce qui n’exclut pas le coup de gueule contre les partis poétiques, les orthodoxies, et les « notes de service ». […]

Jacques Réda est un poète revenu à la mesure du vers. Ce n’est pas un retour au classicisme, mais plutôt le refus des impostures et la quête musicienne du « swing ». « Le vers, explique Réda, est une règle qui ne garantit certes pas la qualité propre de ce qu’il mesure (fétu de paille, fil d’or, brin de ficelle), mais c’est le seul outil de précision dont dispose en poésie l’outil mental qui le manie, et c’est le seul garde-fou. » En cela, Jacques Réda est « incorrigible ». Indiscipliné, il irrite les censeurs poétiques qui ont vu dans son retour aux formes fixes, un-oubli-de-la-modernité, et donc une régression par rapport à ses premiers recueils. Pourtant le vers mesuré reste pour Jacques Réda une contrainte éthique, un rempart contre la mélancolie et la nostalgie d’une enfance nourrie de cahiers calligraphiés. C’est enfin pour le musicien une affaire de tempo, de rythme intérieur, de démarche au sens physique et poétique.