Études, juillet 2011, par Michel Fédou

Auteur de savantes études sur le Moyen Âge, Alain Boureau livre un petit écrit très personnel sur ce qui fait, à ses yeux, l’intérêt de la scolastique. Il décèle à travers celle-ci une interrogation centrale: qu’est-ce que l’âme? Cette question donne lieu dans les Sommes à des argumentations serrées, dépourvues d’allusions personnelles, toutes tendues vers des solutions « scientifiques »; mais l’auteur propose d’y voir aussi une variante libre du « moi », de la « conscience », et même de « l’inconscient », la tradition chrétienne étant convoquée au service d’une telle interrogation sans cesse reprise et approfondie. Plus qu’au contenu, l’attention se porte à la forme même des textes scolastiques. Le point de vue ici choisi conduit certes à des enquêtes inattendues, ainsi lorsqu’on voit l’auteur traquer, à travers des démonstrations de Thomas d’Aquin, telle ou telle « obsession » personnelle de celui-ci. Une gêne peut même surgir: l’intention première de la pensée scolastique, tant orientée vers le mystère de Dieu, est-elle assez honorée? Il reste qu’Alain Boureau, par les options mêmes qui lui sont propres, sait partager sa passion pour cette pensée, en restituant le contexte social de son élaboration et en faisant paraître l’actualité des questions alors soulevées. Son livre, « en somme », est un hommage appuyé à la raison scolastique.