L’Express, 9 juillet 2014, par Marianne Payot

L’arène en majesté

[extrait]

Les Mémoires d’un maestro

Quelle vie que celle de José Miguel Arroyo, le petit marlou qui volait des autoradios dans les terrains vagues, le lascar de la Guindalera, qui a falsifié son extrait de naissance pour pouvoir toréer avant l’âge et qui reçut des mains de Juan Carlos la médaille d’or des Beaux-Arts, au printemps 2011 ! Joselito, « le torero au regard triste », comme le qualifia un critique taurin, livre avec ces Mémoires la passionnante chronique d’un destin romanesque. Né le 1er mai 1969, abandonné par sa mère, sauvé de la délinquance par l’école taurine de Madrid et son intraitable directeur, Enrique Martin Arranz, l’une des vedettes des années 1990 raconte ses relations avec ses pairs (Ponce, Rincon, Jesulin…) et les grandes heures de sa carrière, tel ce 17 juin 1993 où il s’essaya comme Paco Camino en 1970, à la corrida en solitaire. Un solo triomphal qui lui a apporté « le moral et la tranquillité ». Rebelote en 1996, le 2 mai, toujours à Madrid. L’apothéose ! Et enfin, le 15 mai 1996, grand moment d’émotion lorsqu’il dédia la mort d’un toro à Gabriel Garcia Marquez, présent dans les arènes de Madrid. L’auteur de Cent Ans de solitude, auquel il voue un véritable culte, lui a révélé le pouvoir de la lecture : elle « a même amélioré ma façon de toréer, parce que je me sentais plus sûr de moi dans la vie », écrit l’enfant de la rue.

Fierté, mais aussi lucidité, notamment devant un certain José Tomas, qui, dit-il, lui « a pourri la vie ». « C’est un torero de mon style, mais avec beaucoup plus de courage. Je savais que je ne pouvais pas arriver à ce niveau… » Après avoir tiré sa révérence une première fois le 26 septembre 1998 à Séville, avant de rempiler le 2 avril 2000 pour un mano a mano avec José Tomas, puis de remiser définitivement sa muleta en octobre 2003 à Saragosse, Joselito s’est reconverti en éleveur de toros bravos. Et s’efforce d’être un quidam. « Dans la rue, si je peux, j’essaie de me fondre dans la masse. » On en doute…