La Croix, 15 avril 1991, par Jean-Maurice de Montrémy
Avec une extrême poésie, mêlant de façon très dense les dialogues et l’atmosphère, Rudolf Borchardt (1877-1945) noue puis dénoue le drame. Insinuant, Constantin von Schenius va jouer sur tous les points faibles d’une société qui, de manière imperceptible, s’est figée sur la notion d’honneur – ultime référence d’un monde qui sent déjà son siècle le quitter. Moritz, Tina, la baronne Eugénie affrontent certes avec élégance l’aventurier. Ils ne peuvent rien contre leur propre mélancolie, leur fragilité et leur secret désespoir.
Ami de Hugo von Hofmannsthal, Borchardt possède son immense talent musical. Bref, tissant avec pudeur les sentiments les plus complexes, son livre a la richesse des derniers opéras psychologiques de Richard Strauss. Une découverte, donc, et les dernières splendeurs d’un temps qui, de toute façon, devait passer.