Télérama, 11 mars 2009, par Gilles Heuré

On ne saura jamais ce qui, ce jeudi 16 septembre 1897, a réellement poussé le jeune Arnulfo Arroyo dans sa tentative d’attentat sur la personne du dictateur Porfirio Díaz, qui dirigea le Mexique de 1876 à 1911, après s’être illustré dans la guerre contre les Français. Était-ce l’acte désespéré et presque gratuit d’un homme en crise d’éthylisme voulant tuer le caudillo à mains nues ? Ou une machination orchestrée par quelques proches du pouvoir en place ?

S’inspirant d’un fait historique, Álvaro Uribe construit un récit en puzzle, à plusieurs voix, recourant à la reconstitution romanesque, faisant parler policiers, magistrats ou journalistes, et utilisant témoignages fictifs, journal intime ou correspondances. Dossier de l’attentat est aussi un livre qui autorise plusieurs lectures : à partir d’un fait précis, il est possible de suggérer plusieurs interprétations, comme le ferait un cinéaste qui placerait plusieurs caméras à différents points de la scène. Cependant, le personnage d’un dictateur, l’évocation d’une opposition silencieuse mais active, les complots qui s’ourdissent dans les travées du pouvoir ne sont pas sans renvoyer aux situations politiques que connurent certains pays d’Amérique latine. Uribe mène ici une enquête littéraire en disposant les pièces d’un échiquier dont chacun peut se rendre maître. Quant à Arnulfo Arroyo, il fut lynché quelques heures après son arrestation par des policiers en civil qui avaient obéi à des ordres « venus d’en haut ».