Le Magazine littéraire, décembre 1991, par Alain Bosquet
On se croirait en compagnie d’André Suarès, de J.K. Huysmans ou de ces auteurs qui, aux alentours de 1890, en appelaient à la Grèce antique pour trouver en elle l’exemple d’une spiritualité aux innombrables chatoiements. Entre prose et poésie, récit et légende, ce volume évolue avec une certaine grâce. Des demi-déesses sont là, qui conduisent à des pays de haute spiritualité, où les religions ont cessé de s’opposer. Il s’agit, pour les personnages de cette fable, de s’abstraire des phénomènes tangibles, et d’aboutir à une force d’âme où la notion même de l’extase puisse librement se développer. On comprend que, longtemps ballotté par le destin, Alfred Döblin ait trouvé quelque réconfort à écrire ce livre hors du temps et de l’espace. Il n’a pu être publié de son vivant : peut-être, à force de se vouloir impalpable, s’est-il en quelque sorte un peu évaporé sur place : il est prodigue en effet d’évanescences où la béatitude finit par paraître artificielle. Il est instructif de découvrir les aspects peu connus d’Alfred Döblin ; il est douloureux de souffrir de ses limites.