La Quinzaine littéraire, 15 octobre 2009, par Hugo Pradelle
Dans une vallée reculée des Pyrénées aragonaises sur les flancs de laquelle périclitent quelques maisons, semble dormir un village abandonné, manière de désert sur lequel tombe « la pluie jaune de l’oubli », un regroupement de vieilles maisons sur lesquelles, lentement, la Nature reprend ses droits : Ainielle. Seuls le vent verni de France et quelques bruits d’oiseaux ou le cri d’une chienne viennent troubler le silence éperdu de la combe qui semble ensommeillée d’ombres et de silence. La pluie qui peu à peu baigne tout d’une lueur jaune s’apparente au leitmotiv d’une ruine progressive, au grignotement de l’oubli, à la nostalgie qui s’empare des êtres, à la suspension du temps, à la terreur de se perdre. Un couple n’a pourtant pas délaissé ces lieux abandonnés et s’obstine à maintenir un semblant de vie alors que tous les habitants s’en sont allés, rendant aux solitudes montagnardes ce hameau minuscule. Et lorsque Sabina, l’épouse taiseuse, se pend dans la grange, à la corde même qui avait servi à suspendre un sanglier, l’univers familier du narrateur, homme vieilli et atrocement seul, s’écroule. Il se laisse glisser alors dans le néant, disant, comme dans un murmure : « Dès lors, j’ai vécu en me tournant le dos. »