La Quinzaine littéraire, 16 mars 1992, par Jean-Marie Saint-Lu
Au village perdu de Llamazares, tout en haut d’une vallée reculée des montagnes du León, vit un aveugle. Et le voyageur, qui le rencontre, se demande s’il n’est pas, comme cet homme, un être « seul et abandonné qui ne cesse de marcher et ne parvient jamais nulle part ».
Telle pourrait être la leçon de ce livre, dont le sous-titre est « voyage », mais qu’il n’est pas interdit de lire comme le roman d’un retour aux sources. Retour concret, puisque le narrateur entreprend de remonter à pied le cours du Curueño, farouche petite rivière qui dévale d’une montagne qu’elle a creusée de gorges noires. Voyage métaphore, aussi, car cette rivière est celle de son enfance et, parvenu au village de Llamazares, justement, l’auteur ôte son masque et avoue que c’est là que se trouve son « origine la plus primitive ». Comme il nous en avait averti dans sa préface, c’est bien pour vérifier que l’homme « parcourt un chemin qui ne mène nulle part » que le narrateur décide de se lancer à l’assaut de la vallée de sa jeunesse.
Le charme principal de ces pages est qu’elles vivifient la tradition des récits de voyages d’une époque où l’on allait lentement, ce qui permettait de tout voir, et de livrer d’intéressantes réflexions sur ce qu’on avait vu. Les précédents sont innombrables, et l’on peut penser, par exemple, au Voyage en Alcarria de Cela.