L’Âne, janvier 1989, par Louis Soler
L’auteur, ignoré en France et connu seulement en Espagne par deux recueils de poésie et un essai, n’avait pas trente ans au moment d’écrire son livre, en 1985. Oui, c’est un roman de poète, on sait quelles connotations péjoratives accompagnent généralement l’expression. Or il s’agit d’une parfaite réussite littéraire, comme le fut en son temps le Balcon en forêt de Julien Gracq.
La phrase y est pétrie de sensations d’enfance et de terreur tue, d’animisme primitif et de savante mémoire populaire. Elle sent la mort et le lait de vache, les herbes de la montagne et le sang, la neige et le feu, l’amour et la peur, l’homme des cavernes et la liberté des temps modernes. On n’est pas des chiens, on n’est pas des loups, protestent face aux résignés ces jeunes guérilleros. Pourtant, les voilà voués aux éléments et à la nuit, sous une lune omniprésente jusque dans le titre. On songe au Journal du Che, « nous sommes dix sous une lune très petite ». Eux sont quatre. Pas pour longtemps.