Télérama, 31 octobre 2007, par Marine Landrot
Il y a le corps de son père, « son petit occiput ovoïde clairsemé de cheveux collés comme le plumage mazouté des mouettes », contre lequel il dort les yeux ouverts, pour ne pas rater son agonie. Il y a le corps de la femme qui s’offre à lui avec une « absence totale de visage », incarnation appliquée de son fantasme de viande sur un étal de boucher. Et il y a son corps à lui, qui ne contient même plus ses pensées honteuses et désespérées. Une carcasse d’angoisse incapable de tenir debout : « Plus je prenais pied en moi‑même, plus je craignais de me mouvoir dans le mauvais corps au mauvais endroit, vers un lieu où l’impuissance crée des sables mouvants. » Entre Thomas Bernhardt pour le désespoir sarcastique et Fassbinder pour le sens de la criminalité intérieure, l’Allemand Thomas Jonigk décape sans ménagement. Sous une parodie de polar, il cache un roman métaphysique d’une belle maîtrise sur le dégoût de soi, que seul l’amour est capable de dissiper.