Zoo, octobre 2004

Dans une ville intemporelle aux dimensions incommensurables, où sont parlées une infinité de langues qui se confondent et rendent quasiment impossible la communication, et dont le centre est exclusivement dédié à la construction d’une Tour rappelant le projet babélien, Samuel Molina est engagé pour la traduction d’un mystérieux ouvrage écrit dans un idiome inconnu. Son parcours est jalonné d’obstacles, tant il bute sans arrêt sur une administration absurdement alambiquée qui entre autres, l’empêche de récupérer ses lunettes dont il a besoin pour déchiffrer les énigmatiques signes du Livre. Effacé du registre de l’Enregistrement, vraisemblablement accidentellement, Samuel sacrifie jusqu’à sa propre identité, mais bénéficie du soutien de Decelis, l’architecte en chef de la Tour qui lui a confié la traduction. De la quête de sens de Samuel dépend également celle de la Cité qui attend du Livre le récit de ses origines. Trouvant le soutien d’un vieil horloger s’occupant d’un essaim d’abeilles et d’un compagnon de chambre qui a perdu son nom, Samuel suit les dédales d’une métropole dans laquelle il cherche une femme inaccessible et la réalisation ultime de ses dons d’interprète. Écrit de manière sobre, génialement structuré, le roman kafkaïen de Fernández décrit le parcours d’un antihéros traqué par des puissances insensées, et au-delà, une ville tentaculaire en manque de repères, ressemblant étrangement aux cités d’aujourd’hui et de demain. Anticipation sociale ou miroir terrifiant ? Éden a le reflet d’un chef-d’œuvre.