Sud-Ouest, 17 février 2013, par Marie-Luce Ribot

Comme un air d’Espagne

Le journaliste propose de courtes histoires sur la route des toros et des ferias, Des récits empreints d’humour, de tendresse et parfois de mélancolie.

Aficionado, ce livre est pour toi ! Il est pour qui a observé les toreros s’engouffrant dans leur camionnette aux vitres fumées à la fin de la corrida en te disant que tu les accompagnerais bien dans leur errance et leur promesse d’Espagne. Jean-Michel Mariou, lui, a pris la route. Figure de France 3, où il produit, entre autres, « Signes du toro », il parcourt depuis des années le Campo Charro, les plaines andalouses et camarguaises ainsi que les ferias, grandes ou petites.
Comme ce petit monde itinérant, il vagabonde. Ce besoin d’Espagne est un recueil de rencontres inattendues, d’impressions sensibles et d’histoires taurines. Jean-Michel Mariou a un fils, devenu musicien flamenco à Séville. C’est à lui qu’il a d’abord écrit ce tableau pointilliste. Sous forme de lettres, qu’il lui adressait ou pas, et sous la forme d’un blog. Pour finalement revenir au papier et à ce qu’il appelle Justement des « carnets de route ». Une série d’anecdotes dont on se moque bien qu’elles soient ou non réelles.
Si Zocato et le photographe apoderado Maurice Berho sont ses compagnons fidèles, une multitude de personnages picaresques se succèdent sur la piste. Ce ne sont pas toujours des stars. On pense au père de Miguel Ángel Perera, rencontré à Zafra, homme de paraboles énigmatiques, totalement dévoués au culte de son fils, qu’un complot de la presse empêcherait d’être reconnu à sa juste valeur. Ou à José Fuentes, croisé dans une taverne de Las Pajanosas. Fuentes fut un immense matador de toros, adulé par les siens, oublié aujourd’hui. Sauf par Curro Vásquez. Ce jour-là, devant Jean-Michel Mariou médusé, le torero l’invite élégamment pour qu’il n’ait pas à remercier.

Partager l’euphorie

À ces destins multiples que Jean-Michel Mariou dépeint avec tendresse s’ajoutent les histoires sombres et lumineuses du torero. Les pages consacrées au départ de Nimeño II montrent que le chagrin reste intact. L’hommage de Juan Pedro Domecq, disparu en 2011 dans un accident de voiture, raconte la trajectoire d’un granadero hâtivement catalogué. Les quelques lignes sur la foule saluant l’ambulance qui transporte le corps inerte de Paquirri sont émouvantes.
Mais Jean-Michel Mariou parvient aussi à nous faire partager l’euphorie qu’il a ressentie ce jour de 2011 où un toro fut pour la première fois gracié à Séville. Tout comme on aimerait attendre avec lui des heures, sous le soleil et avec des amis éphémères, l’ouverture de la billetterie de la Maestranza. En somme, on le suivrait partout, sur ces chemins de poussière et dans les rues de Séville pendant la semaine sainte. On ne lui demanderait pas de servir de guide mais de transmettre le sentiment de liberté qui jaillit de Ce besoin d’Espagne.