La Gazette de Montpellier, 21 février 2013 , par Valérie Hernandez
Jean-Michel Mariou : road-movie taurin
Jean-Michel Mariou fait partie de cette communauté dangereuse avec Jacques Durand et Joël Jacobi, entre autres, d’adorateurs de corrida, « Terres taurines », « Tercios », « Signes du toro » : tout ce qui a trait à la tauromachie dans les médias a quelque chose à voir avec lui. Écrivain, journaliste, cinéaste, Jean-Michel Mariou est aussi un amoureux des mots : il est à l’origine du Banquet du livre de Lagrasse dans l’Aude, en relation avec les éditions Verdier, il dirige la collection « Faenas ».
Voici le livre qui unit les deux passions de cette figure de France 3 : Ce besoin d’Espagne, où on le suit de l’éleveur au valet d’épée, d’une semaine sainte à l’autre, d’une tertulia à une autre, au gré de rencontres magnifiques comme celle avec José Fuentes, un vieux torero paumé.
Taureau fou
Les morceaux de bravoure littéraire se succèdent : le récit des désastres causés, le 12 juillet 2007, à Pamplune, par un taureau fou de 575 kilos, qui encornera et soulèvera deux frères, américains, partis sur les traces d’Hemingway… D’émouvantes lignes sur le torero français Nimeño II (Christian Montcouquiol), qui s’est pendu dans son garage en 1991 Jusqu’à la corrida d’anthologie de José Tomás, en septembre 2012 aux arènes de Nîmes.
Écrits à l’origine pour son fils devenu musicien à Séville, ces récits envoûtent Le charme romanesque, discutable, vénéneux de la tauromachie, y opère parfaitement, magnifié par une plume raffinée et sensible : « Comme toujours à Séville, rien ne change, et tout change. Les vieilles darnes riches se promènent toujours dans des chaises roulantes, maquillées et apprêtées au plus juste, poussées par des Équatoriennes entre deux âges. »
Voyageur tauromachique, Jean-Michel Mariou laisse percer, sous la cuirasse savante de l’expert. un vertige qui excède sa condition d’aficionado : « Vieillir, c’est devenir raisonnable, et c’est la pire chose qui puisse advenir à un aficionado. » Les voilà, livrés, sans afféterie, et sans introspection excessive, les ressorts de cette « folle passion » : quand on ne croit plus, depuis longtemps, au Grand Soir, la tauromachie est encore un moyen de « s’échapper par le haut de cette vie bornée sans s’agenouiller dans les églises. »