Recueil, septembre 1993, par Catherine Le Pan de Ligny

L’École du virtuose est construit comme une sonate où chant et contre-chant, fiction et réalité, se répondent et se superposent. Les mains sur le clavier se confondent puis s’éloignent, les thèmes s’enchevêtrent comme les frontières de la veille et du rêve, l’écriture elle-même est musique. Avec brio et agilité, l’auteur jongle avec les dissonances et joue avec le tempo… Allegro vivace… l’humour… Pianissimo… la nostalgie… Furioso… la satire… Tambour battant, il nous conduit du rire à l’inquiétude pour nous abandonner au bord du vide. Têtu, inquiétant, le leitmotiv revient ; absurde, le refrain s’impose et la question se précise. Car, il ne faut pas s’y tromper, ce livre n’est pas un simple divertissement ni un exercice gratuit de virtuosité. Sous le masque grinçant du musicien de « Gradus ad Parnassum », on retrouve l’essentiel des obsessions de Gert Jonke et sa réflexion sur l’écriture. Le monde –nous dit-il– est redoutable, la réalité, incertaine. La création est un rêve fou et dangereux. Comment approcher l’inaccessible ? Comment dire l’indicible ? Comment, « entre deux sons, entre deux mots, entre deux bribes d’idées », trouver l’inattendu qui permette de basculer dans l’au-delà ? « Un jour, je réussirai peut-être à découvrir une méthode qui me rende capable de sensations et de perceptions inouïes, qui éclipserait toutes les précédentes, sans que j’aie pour autant à prendre des risques dont l’énormité me fait sombrer chaque fois au seuil de l’extraordinaire ».