Midi plus, 28 septembre 2007, par Éric Delhaye
El Gallo, le torero qui inspire Durand
Pigiste à Libération, installé près de Montpellier, Jacques Durand chronique l’actualité taurine avec une plume qui ne chatouille pas seulement le lecteur aficionado. Idem pour ses livres dont la prose imagée, paillarde ou lyrique épouse bien les contradictions – la beauté, la mort – de leur sujet dernier en date, Rafael le chauve passerait pour l’œuvre d’un esprit imaginatif s’il ne racontait la « vraie vie » de Rafael el Gallo (1882-1960), torero intermittent du sublime et théoricien du pire, rival de Belmonte et frère de Joselito, « sorte de criquet desséché » et « chauve comme un rasoir ». Adulé ou haï par des foules qu’il ignorait, payé 20 000 pesetas par corrida quand un ouvrier gagnait 7 pesetas par jour en 1914, El gallo fuyait les toros chez lesquels il décelait « de la chimie », en se réfugiant à l’infirmerie où la police venait le cueillir. Il inspirait le lynchage mais savait aussi toréer si bien que la critique hissa sa faena de 1912, à Madrid, à l’égal des Ménines de Velasquez et du Don Quichotte de Cervantès. Marié « le temps d’une demi-véronique » à Pastora Imperio, la danseuse restera son seul amour et, seul dans Séville, El Gallo parlera d’elle toute sa vie. Un homme placé sous le signe du yo-yo et que Durand décrit comme « le plus flamboyant représentant de cet état d’urgence encerclé par l’advienne-que-pourra : être devant un toro ».