CCP, mars 2008, par Alexis Pelletier
Les deux volumes bilingues Chant éloigné et Requiem avaient déjà paru, en 1990 puis en 1999 chez Verdier pour le premier des deux, en 1996, chez Fata Morgana pour le second.
Chant éloigné est une anthologie des poèmes que Rilke a consacrés à la musique. Et c’est dans le rapport que les sons entretiennent avec l’espace et le temps qu’on retrouve ici le lyrisme du poète qui place dans la musique une figure de l’accomplissement qui cerne son œuvre. Ainsi, du « Gong », Rilke peut affirmer : « Somme de ce silence qui / n’a d’autre foi qu’en lui-même, / grondant retour en soi de cela / qui ne se tait que de soi-même ».
Requiem comprend deux poèmes que Rilke publia en 1909 sous ce titre, ainsi que le dernier poème du Livre des images et le « Requiem sur la mort d’un enfant » que l’auteur écrivit en, 1915 et ne publia pas. Ce livre est à lire en écho avec les Élégies de Duino dont Jean-Yves Masson a publié une saisissante traduction (Imprimerie Nationale, 1996), sous le titre bien plus juste (revendiqué en sou temps par Klossowski) d’Élégies duinésiennes, et il constitue un jalon dans l’apprentissage de la mort qui est sans doute une des clés de l’œuvre de Rilke. Jean-Yves Masson est un traducteur sensible de cette poésie, qui sait prendre le risque des lectures cohérentes qu’il fait. Ses traductions sont ici reprises et réellement modifiées dans le sens d’une écoute explicative de l’allemand et d’une plus grande lisibilité. C’est une vraie réussite. La première traduction de « Pour une amie » dans Requiem commençait ainsi : « J’ai des morts, et je n’ai pas voulu les retenir, / et je fus étonné de les voir si tranquilles, / si vite chez eux dans l’être-mort, si légitimes, / si différents de ce que l’on croit. »
Cela devient aujourd’hui : « J’ai des morts, et je n’ai pas voulu les retenir, / et je fus étonné de les voir si sereins, / si vite chez eux dans l’être-mort, si impartiaux, / si différents de ce que l’on dit d’eux. »
La postface de Chant éloigné et les notes de Requiem, signées par le traducteur, sont éclairantes.