Chronic’Art, septembre 2005, par Morgan Boëdec
Deux livres, une double actualité qui rappelle la double vie que mène la japonaise Yoko Tawada : débarquée de Tokyo au début des années 1980 pour s’installer à Hambourg, elle mène de front deux chantiers d’écriture l’un dans sa langue natale, l’autre dans une langue allemande dont l’apprentissage est au cœur de L’Œil nu, le plus abouti des deux récits qui paraissent aujourd’hui. Aucune prétention derrière cette démarche mais, explique l’auteur, une recherche des lacunes, trous et fissures par lesquels jaillit la vie de la littérature ». L’Œil nu ne déroge pas à cette règle : plongée abrupte dans la conscience d’une jeune lycéenne vietnamienne en pleine déroute à Paris, le roman explore les pouvoirs invisibles du cinéma. Fascinée par les interprétations de Catherine Deneuve dans des films comme Répulsion ou Indochine, le personnage y trouve des repères et se recompose à partir de là un semblant d’identité. Sans générique ni happy end.