Études, septembre 2012, par Nicole Bary
Très largement traduite en français grâce à Bernard Banoun, Yoko Tawada n’est pas une nouvelle venue dans le monde des lettres. Née au Japon, installée depuis une trentaine d’années en Allemagne, elle écrit des poèmes, des récits et des essais en allemand et en japonais. Dans les deux pays elle a reçu les plus grandes distinctions littéraires. « Après la catastrophe (de Fukushima) certains livres sont devenus inintéressants », lui écrivit un de ses amis japonais. Yoko Tawada, elle, a fait de la littérature, dans les leçons de poétique tenues à l’université de Hambourg en 2011, le lieu de réflexion sur la relation problématique qu’entretient le Japon avec son insularité et l’altérité occidentale. Du rapprochement de Fukushima et Tanegashima d’une part, de Fukushima et Hiroshima d’autre part, sont nés trois textes exceptionnels qui thématisent la naissance et le développement de la traduction dans un pays marqué au plus profond de lui-même par son insularité, « shima » signifiant d’ailleurs « île ». Initiée par les croyants, développée par les marchands et enrichie par l’irruption de la modernité, la traduction est le fil conducteur choisi par l’auteur pour revisiter l’histoire des transferts culturels entre le Japon et le reste du monde. Les conférences sont suivies de textes écrits au jour le jour pendant la catastrophe et publiés pour la plupart dans la presse allemande, et d’un texte traduit du japonais très critique à l’égard de la politique nucléaire du Japon. Dans ces textes écrits à chaud et de loin, Yoko Tawada pense ensemble Fukushima et Hiroshima, la catastrophe nucléaire et la catastrophe politique et se demande comment un pays ayant connu les bombardements atomiques a pu lui-même construire des centrales nucléaires. Quant à la catastrophe naturelle, le japonais n’a pas de mot pour le dire.