Le Magazine littéraire, mars 2012, par Anne Bayard-Sakai
Le japonais n’est plus le privilège des auteurs nippons. À l’inverse, certains d’entre eux choisissent d’écrire dans d’autres langues.
Longtemps, la littérature japonaise s’est définie selon un triple critère : écrite au Japon, en japonais, par des Japonais. La remise en question récente de cette définition affecte donc le regard que cette littérature porte sur elle-même, entraînant une sorte de trouble identitaire. Cette définition, faut-il le rappeler, est historiquement illusoire. […] Si l’homogénéité de la littérature japonaise n’est de toute manière qu’un fantasme, on comprend que, dans les faits et, mondialisation oblige, de manière de plus en plus marquée, la japonité de la littérature se soit reconfigurée.
Écrire autrement qu’au Japon et en japonais ? […] Yoko Tawada, elle, est connue en France surtout par ses textes traduits de l’allemand : née en 1960 au Japon, installée depuis 1982 en Allemagne, elle se définit comme une auteur de l’exophonie, du voyage à l’extérieur de la langue maternelle. Romancière et poétesse, elle écrit et publie aussi bien en allemand qu’en japonais, ce qui l’amène à relativiser, de manière aussi tranquille que radicale, le privilège de la langue japonaise. Ce questionnement peut aussi prendre la forme d’une fragilisation de la langue elle-même. […]