Le Monde, 16 mars 2001, par Gérard Meudal
Comme son nom ne l’indique pas, elle écrit en allemand mais aussi en japonais. Née en 1960, installée à Hambourg depuis 1982, elle poursuit parallèlement deux œuvres, celle qu’elle écrit en japonais lui a valu le prix Akutagawa en 1993, celle qu’elle publie en allemand n’est pas la simple traduction de l’autre mais une œuvre originale où la question des langues joue un rôle fondamental. « J’étais souvent dégoûtée par les gens qui parlaient couramment leur langue maternelle. Ils donnaient l’impression de ne pouvoir penser et éprouver que ce que leur langue mettait tant de promptitude et de complaisance à leur offrir. » La confrontation au mystère des langues incite à déchiffrer tous les signes qui se présentent, aussi bien un visage, une enseigne, une cabine téléphonique qu’une page imprimée. Une simple description se transforme alors en méditation ontologique. Les textes ici rassemblés vont de la théorie littéraire au récit, de la poésie à la réflexion philosophique et donnent envie d’en savoir davantage sur la quinzaine de livres que Yoko Tawada a publiés en allemand. Dans Quelque chose d’étranger sorti de la boîte, elle raconte qu’ayant acheté en supermarché une boîte sur laquelle était dessinée une Japonaise, elle fut surprise de n’y trouver que du thon comme si une étrange métamorphose s’était produite au cours de la longue traversée. Nul doute que le lecteur doive s’attendre à des surprises aussi radicales lorsque seront traduits les livres de cet auteur qui déchiffre si bien l’Europe avec ses « lunettes japonaises ».