Madame Figaro, 22 octobre 2005, par Clémence Boulouque

Juste avant la chute du communisme, une brillante étudiante de Hô Chi Minh-Ville est invitée à Berlin pour une conférence sur « le Vietnam victime du capitalisme américain ». Pour son premier voyage à l’étranger, la ville allemande et ses habitants laissent la narratrice savoureusement perplexe. Cousine du Persan de Montesquieu, huron vietnamien en RDA, elle se moque doucement de tout – aussi bien d’elle que d’un entourage étrange comme peuvent l’être des groupes de rock, version Berlin-Est, avec un chanteur aux « chaussures étroites, pointues et blanches comme une sorte de tofu qui se mange en dessert en Chine ». À l’hôtel, peu avant de prononcer son discours, elle croise un jeune homme qui la soûle, la kidnappe et la fait passer à l’Ouest malgré elle. Parlant uniquement le russe, elle peine à se faire comprendre de quiconque, tente tout de même de fuir et croit prendre un train pour Moscou, qui l’emmène en réalité vers Paris. Pour trouver son chemin dans ce monde de malentendus, d’expédients et de rencontres de hasard, la narratrice désemparée voudrait « appeler Hô Chi Minh et Confucius », mais, à défaut, elle se réfugie au cinéma et dans l’adoration de Catherine Deneuve. Et c’est la filmographie de l’actrice qui noue le roman: en un chapitre par film, de Tristana à Dancer in The Dark et, bien sûr, Indochine, la jeune fille s’adresse à son héroïne pour lui raconter sa propre histoire, en un hommage mordant et touchant.