Page des libraires, octobre 2009, par Christine Lemoine
Le flux des mots
Prétexte pour apprendre le français, ce voyage nous entraîne dans une déambulation d’une langue à l’autre, d’un personnage à l’autre. Un régal porté par une excellente traduction.
D’emblée, le livre provoque la curiosité : la page titre annonce « traduit de l’allemand (Japon) ». La parenthèse dit tout sur ce roman qui livre, souvent avec humour, les réflexions de Yuna, Japonaise vivant en Allemagne, sur la saveur des mots au fil de ses rencontres. Les langues sont mouvantes comme l’eau qui attire Yuna. Les mots ont une couleur, « un goût étrange sur la langue ». Ils s’étirent « comme un chat qui miaule » et Yuna voit « un mot au milieu duquel ondoyait la lettre m ». Par associations d’idées, Tawada va et vient entre les amies de Yuna et « désentortille » les minuscules idéogrammes qui ponctuent le livre : « chaque signe donne naissance à une longue histoire », celle de Renée qui attire et rebute Yuna, celle de Maurice qui lui prête sa maison que Yuna regarde « se transformer lentement pour plaire à la nouvelle habitante », ou encore celle d’Elena qui estime que son amie pour faire la cuisine devrait lire un livre de recettes et non un dictionnaire. Apprendre le monde c’est d’abord apprendre la langue des autres mais aussi « la langue des baleines, celle des machines, celle de l’anatomie ». Histoire d’apprentissage, le roman révèle une poésie rieuse et savoureuse.