Sud-Ouest, 23 août 2009, par Olivier Mony
Le Sud-Ouest
Rentrée littéraire. Quelques écrivains ont choisi de tisser leurs intrigues dans les rue de Bordeaux, les paysages verdoyants de Dordogne ou au bord de l’eau.
[…] Enfin, pour mettre un terme à cette recension buissonnière et nullement exhaustive, il convient de ne pas oublier le plus intrigant et inattendu de tous. Yoko Tawada est japonaise, elle écrit en allemand, c’est un grand écrivain. Le Voyage à Bordeaux (éd.Verdier), qui sort ces jours-ci, est son cinquième roman traduit en français.
Sous sa plume, Bordeaux est beaucoup plus que Bordeaux ; ou, plus exactement, complètement Bordeaux et complètement autre chose. On suit, fasciné, les traces de Yuna, son héroïne, pour qui des lieux comme le jardin public, le cinéma Utopia ou la piscine Judaïque dessinent les idéogrammes de la perte et de l’égarement.
Comme Emmanuelle Riva, Occidentale égarée au Japon dans le film de Resnais psalmodiant « non, tu n’as rien vu à Hiroshima », Yoko Tawada pourrait en retour se faire le même reproche pour Bordeaux. Elle n’a rien vu, mais tout ressenti, ou pressenti. Comme les autres, à Guéthary, au Cap-Ferret, à Libourne ou en Dordogne. Comme ces pages qui, tournant le dos aux flonflons de l’orchestre de la rentrée littéraire, laissent advenir une musique insidieuse et douce, une chanson d’ici.