Bulletin critique du livre français, juin 1992
On commence simplement à mesurer, en France, l’importante œuvre écrite par Hugo von Hofmannsthal. Après la fameuse Lettre de lord Chandos, après les livrets écrits pour Richard Strauss, après les poèmes, le lecteur est invité à découvrir ici une comédie parfaitement inattendue. Le personnage principal, Hans Karl Bühl, éprouvé par la guerre des tranchées, est incapable de prendre une décision. Il ne veut pas aller siéger à la chambre des Pairs, il ne parvient pas à demander la main de la femme qu’il aime, etc. La force de l’écrivain est d’avoir réussi à intégrer la tradition française de la comédie – il était un grand admirateur de Molière – dans le milieu viennois en pleine décomposition. La Première Guerre mondiale, qui est l’arrière-plan historique de l’indécision du héros, fait signe implicitement à une fin de monde. Monde qui apparaît lézardé et presque fossilisé dans une mondanité parfois ridicule. On rit peu dans cette comédie, on sourit plus souvent (comme dans Le Misanthrope) ; le lecteur [et] spectateur touche également à l’un des mystères de la vie, celui de l’émotion : l’expérience qui se déroule sur scène souligne le « secret du langage et des larmes ». L’ouvrage s’achève sur une brillante postface du traducteur, Jean-Yves Masson.