La Quinzaine littéraire, 1er septembre 1992, par Lou Bruder

La Femme sans ombre tient de la famille d’esprit du Märchen, du conte romantique allemand amplifié en récit subliminalement chrétien par le truchement du merveilleux païen. Ouvrage bâtard en coup de force esthétique grâce à l’écriture subtile qui tient lieu du sésame absolu : on y entre par sourire entendu ou pas du tout. L’argument du conte est celui de l’archétypique quête d’un monde bénéfique unitaire où l’espèce serait assurée contre les forces pétrifiantes thanatiques : Empereur et Impératrice, teinturier et teinturière, les quatre personnages en interférence tensorielle de yin et yang, jouent en quelque sorte aux quatre coins de l’univers où il s’agit de trouver et défendre sa bonne place contre le cinquième joueur en abyme qui, bien sûr, est la stérilité, autrement dit la mort figurée à travers l’emblématique nourrice en losengière et intermédiaire de malheur : ce carré magique conflictuel fonctionne comme matriciel champ de forces. La fertilité, en clef harmonique ultime du monde, transparaît dans l’arc-en-ciel apothéosé des divines sept couleurs.