Page des libraires, octobre 2008, par Isabelle Baladine Howald, Librairie Internationale Kléber (Strasbourg)
« Hitler » est une injure
Un écrivain autrichien, de grande tradition littéraire, publie un livre terrible et vengeur sur un village ravagé par des enfants, une communauté brisée par l’Histoire et la culpabilité.
Josef Winkler appartient à cette lignée d’écrivains natifs de la région de Bernhard ou de Jelinek, aussi âpres que le sont leur terre et leur histoire. Ils sont terriblement nécessaires, écrivant du fond du corps la terreur enfantine et la frustration sexuelle. Langue maternelle est un livre écrit en 1982, qui n’avait encore jamais été publié (il faut remarquer l’obstination que montrent les éditions Verdier à éditer des livres exigeants, suffocants, toujours excellemment traduits, et peu onéreux). Dès l’enfance, Winkler sait que son village natal fut brûlé par des enfants au XIXe siècle et reconstruit en forme de croix…, c’est dire la puissance de la culpabilité et le pouvoir de la religion. Winkler, dont l’écriture transgresse morale, religion et normes sexuelles, est l’auteur d’une œuvre si importante qu’il reçut pour l’ensemble de celle-ci le Prix Büchner. Cette Langue maternelle est le récit des souvenirs du narrateur, c’est un texte fantasmatique, halluciné, hanté par le refoulement sexuel, peuplé d’une poupée gonflable, ou encore de masques mortuaires qui dévoilent mieux qu’un visage. Amour fou pour la mère, haine du père, souffrance des animaux…, tout le livre baigne dans une violence douloureuse, sous la figure d’Hitler, devenue une insulte. La puissance de ce livre est immense.