Bulletin critique du livre en français, décembre 2004

Célèbre à la fois comme peintre et poète, Yosa Buson (1716-1783) est l’un des deux grands représentants du renouveau que connaît dans le Japon du XVIIIe siècle le haiku, ce genre poétique très bref, qui a pris sa forme définitive un siècle auparavant. Les poèmes présentés dans 66 haiku constituent un florilège de l’abondante œuvre de Y. Buson. Sachant jouer des contraintes de la forme, et tout en utilisant des thèmes plus ou moins convenus, il montre souvent, par l’extrême subtilité de sa perception, une inspiration puissamment originale. Très présente dans ces poèmes, la nature apparaît sous des aspects aussi divers que le parfum des fleurs de prunier, le bruit des gouttes de rosée, le coassement d’un crapaud, le calme des éléments ou leur violence soudaine, les jeux de l’ombre sous la lune. La présence humaine, assez rare, est le plus souvent solitaire, telle celle de ce gardien de temple dans une nuit d’hiver, et seulement suggérée, que ce soit par des voix, un cerf-volant ou un manteau de paille. C’est aussi un objet – un peigne trouvé sur le sol – qui sert à évoquer le souvenir douloureux de l’épouse disparue. À l’encontre de la convention qui impose au poète un lyrisme impersonnel, la subjectivité de Y. Buson se manifeste régulièrement, pour dire aussi bien le sentiment de l’ennui, la solitude que la dureté des conditions matérielles. Malgré leur nombre restreint, ces poèmes, publiés en version bilingue et dont le lecteur ignorant le japonais pourra en partie apprécier la forme orale originale grâce aux transcriptions phonétiques qui les accompagnent, offrent une bonne illustration de l’œuvre de Y. Buson, mais aussi de ce qui fait l’originalité du haiku.