Recueil, juin 1994, par Catherine Le Pan de Ligny
Les chapitres sont soigneusement organisés comme autant de stations d’un interminable chemin de croix dans lequel [Winkler] ménage des pauses pour la respiration. « Travaille ton langage à en tomber à la renverse, puis redresse-toi pour tomber à nouveau ». C’est parce qu’il est magnifiquement maîtrisé que son Verbe est tout-puissant, qu’il est capable de transmuter l’horreur en or pur. « Je m’arrache ma propre peau pour la glisser dans la machine à écrire et la couvrir de signes. Je me fais violer par la langue tandis que je la viole ». L’écriture est un vampire. Pour la nourrir, Winkler fouaille les entrailles et écorche les corps. De même qu’enfant, il a vu tirer hors des matrices glaireuses des veaux encore sanguinolents, il tente dans la douleur d’extirper les mots au silence. C’est le prix à payer pour se libérer de la haine et de la culpabilité, oser revendiquer sa différence et son homosexualité. Comme l’écriture, l’amour est transgression et souffrance. La jouissance appelle le sang.