La Liberté, 20 septembre 2003, par Alain Favarger
Moins connu que Soljenitsyne, Varlam Chalamov (1907-1982) est l’autre grand témoin du système concentrationnaire soviétique. Dernier des cinq enfants d’un pope, il est encore un jeune étudiant épris de poésie lorsque, en 1929, il a maille à partir avec le régime. Motif : on l’a surpris en train de diffuser Le Testament de Lénine dans lequel le père de la révolution russe émettait des réserves sur le choix de Staline comme successeur. Un crime de lèse-majesté envers l’homme en passe de devenir le maître de toutes les Russies. Trois ans de travaux forcés, puis une nouvelle arrestation en 1937. Au total Chalamov croupira quelque dix-sept ans dans les camps du dictateur, jusqu’à la mort de ce dernier en 1953. Après sa libération, l’intellectuel noircira des rames de papier. Des récits à la dimension de nouvelles, au réalisme cru, d’une rare tension et sans espoir sur la nature humaine. Ce sont ces textes brûlants, Récits de la Kolyma, du nom d’un des camps les plus durs de cet enfer terrestre, qui nous sont parvenus en Occident à la fin des années 70. Les voilà intégralement réédités aujourd’hui en un seul volume – au lieu des trois d’origine – que l’on parcourt avec émotion. Pour la force dantesque de l’évocation et par devoir de mémoire.