Tageblatt, janvier 2008, par Laurent Bonzon

Chercher l’ailleurs

« Ce qui différencie la jeunesse de l’âge adulte, c’est que l’adulte tente de donner une cohérence à tous les événements de sa vie. Puis, un beau jour, il se rend compte que, tel le roi sur l’échiquier, l’imprévisible le cerne et que pour éviter le mat, il doit accomplir un acte très précis. Partir sur une île, par exemple, avec laquelle rien, mais absolument rien ne le lie… »

Vassili Golovanov est de ces voyageurs qui ne s’embarquent pas au hasard pour les aventures qu’ils ont choisies, ni, n’en reviennent indemnes. Éloge des voyages insensés, qui a paru en Russie en 2002, est l’immense récit d’un voyage dans l’île polaire de Kolgouev. L’écrivain y raconte tout : comment il est venu à cette odyssée, comment le temps et le monde l’y ont conduit, comment l’idée de l’île fut plus importante que l’île elle-même. Car le voyage insensé de Golovanov, incroyable périple dans le Grand Nord, est aussi et surtout un parcours initiatique et critique à l’intérieur de l’écrivain lui-même et de cette île marquée par les blessures de la société industrielle. En ligne de mire, le fol espoir de se retrouver, de se recentrer, de « mourir à soi-même ».

Éloge des voyages insensés renferme des souvenirs, des rencontres, des réflexions, des contes, des confessions, des entretiens, multiplie les points de vue et les détours, s’adapte aux rythmes du voyage et aux bruits de la vie, dans ce coin reculé parmi les coins reculés. On y voit tout à la fois la grande nature et celle de l’homme.