La Liberté, 30 avril 2011, par Alain Favarger
Médecin en Russie profonde
Plus d’un siècle après Tchekhov, Maxime Ossipov, un cardiologue et écrivain issu de l’intelligentsia s’inscrit dans la tradition russe d’« aller au peuple ». Au lieu d’exercer son art à Moscou ou dans une grande ville, il part à Taroussa, une ville de province située à cent kilomètres de la capitale. Là même où son arrière-grand-père avait jadis pratiqué la médecine. Pour le jeune Maxime, de retour d’un voyage d’étude d’un an aux États-Unis, le choc est plutôt rude. Vu l’état des moyens à disposition, les ravages de l’alcoolisme et l’âpreté des démêlés avec les autorités locales, aboutissant en l’espèce à un scandale national.
Le plus alarmant pour le jeune médecin reste toutefois la misère intellectuelle et spirituelle des sans-grades de la Russie provinciale de l’après-perestroïka. Choc d’avoir pour clients des gens confrontés directement à des cas de mort violente. « J’ai souvent affaire à des femmes qui ont enterré leurs deux enfants adultes. » Triste constat aussi de rencontrer très peu « de gens passionnés par leur travail, par une activité quelconque et ce marasme les rend incapables de se concentrer sur leur traitement ».
Après une première partie composée de ce genre de notices, tirées de ses carnets de bord, Maxime Ossipov livre un second volet fictionnel. Sous la forme d’une nouvelle intitulée « Rencontre » qui a pour cadre cette fois Moscou. Et où les mêmes événements sont vus tour à tour par des personnages différents. Une autre manière, romanesque, d’envisager la violence de la société russe d’aujourd’hui, ses blocages, mais aussi parfois la grâce de rencontres imprévisibles et détonantes. Si bien que comme chez Tchekhov le refus de s’illusionner peut déboucher à l’occasion sur autre chose que l’impuissance ou le désespoir.