Livres hebdo, 1er avril 2011, par V. R.
Médecin dans la campagne russe
La confrérie des médecins à laquelle appartient Maxime Ossipov, né en 1963, a toujours nourri son lot d’écrivains. Verdier traduit pour la première fois en français le témoignage de ce cardiologue russe issu de l’intelligentsia qui a choisi de s’installer, au milieu des années 2000, à une centaine de kilomètres de Moscou pour exercer dans l’hôpital public d’un chef-lieu de province. Ma province comprend des carnets d’observations et d’impressions datant de différentes périodes, et une fiction, « La rencontre », nouvelle située cette fois-ci dans la capitale russe, racontée par trois narrateurs différents.
Disons d’emblée que l’on préfère la partie compte-rendu d’expériences qui accroche par son ton direct et brut, son auscultation sans pincettes, la principale qualité d’Ossipov étant de ne pas chercher particulièrement à écrire, à faire du style. Soigner les gens offre une vue plongeante tant sur leur âme que sur les maladies du corps social dont ils sont membres. On s’attachera, selon ses intérêts, à la dimension sociopolitique de ce journal d’établi – embrouilles avec les autorités, position hiérarchique du médecin dans la cité… – ou l’on sera frappé par la dépression généralisée qui semble avoir terrassé la société rurale russe. La tristesse existentielle qui fait son nid dans la pauvreté, l’alcoolisme, l’analphabétisme et l’individualisme forcené. Le diagnostic du docteur Ossipov, alarmant, tombe dès les premières lignes : « Chez les malades, comme chez d’ailleurs beaucoup de médecins, ce qui frappe avant tout, c’est qu’ils ont peur de la mort et n’aiment pas la vie. » Mais d’ajouter, en bon thérapeute : « Alors qu’est-ce que je trouve bien, ici ? la liberté d’aider beaucoup de gens. »