Livres hebdo, 28 mars 2008, par Jean-Maurice de Montremy

Yeats, derniers beaux jours

À près de 70 ans, Yeats affronte la vieillesse entre révolte et contemplation. Verdier parachève ainsi la première traduction complète de la poésie du Nobel 1923.

L’escalier en spirale, qui donne son titre à ce recueil de William Butler Yeats, se trouve dans la tour de Thoor Ballylee achetée en 1917 par Yeats. Le poète l’évoquait déjà dans un autre recueil : La Tour, justement (Verdier, 2002).

La spirale de cet escalier le fascinait. Il voyait dans cette gyre la rencontre des opposés et la combinaison de forces inverses. On peut par la spirale monter vers le sommet de la tour et contempler le ciel ; on peut aussi descendre vers les sombres profondeurs.

La spirale, comme l’écrit Jean-Yves Masson dans sa préface, dit « la présence du temps au cœur même de la pierre apparemment immuable ». Il ne s’agit pas, pour Yeats d’une simple image : la gyre donne leur forme à certains poèmes, voire à la composition du recueil. Comme souvent, Yeats a longuement élaboré son livre (1922-1933) reprenant des publications partielles ou des textes précédents. À la gyre s’ajoute un retour en arrière plus subtil. Le projet de L’Escalier en spirale naît alors que Yeats approche de la soixantaine et s’achève alors que s’annoncent les soixante-dix ans. Il mourra en 1939. Du haut de sa tour il contemple aussi son long parcours : ses amours embrouillées, ses ambitions, sa quête initiatique – et son horreur de l’âge.

La plupart des poèmes font donc écho à l’ensemble de l’œuvre ou la reflètent. Publiés en fin de volume, les indications de Yeats et les commentaires de Jean-Yves Masson donnent un accès clair au lecteur peu informé de la vie sentimentale, politique et spirituelle du poète. Mais on peut aussi lire chaque poème sans se soucier du mythe personnel orchestré par Yeats. On y sent la musicalité, le lyrisme pur et la puissance évocatrice du symbole, celui-ci pouvant fort bien rester inexpliqué : ainsi de « Byzance » évocation de l’au-delà, ou des « Sept sages », cantate pour ses maîtres spirituels (Burke, Goldsmith, Berkeley et Swift).

Parmi les textes traduits pour la première fois en français, on appréciera les étonnantes « Paroles à mettre en musique (peut-être) », où figurent Jeanne la Folle toujours en guerre contre les censures puritaines de l’Évêque, et Tom le lunatique, l’un de ces vagabonds-prophètes souvent présents dans l’œuvre de l’Irlandais. À côté des cycles chantent de très courtes pièces, simples et riches d’harmoniques – souvent mises en musique, elles aussi.

Cette édition bilingue parachève la première traduction complète en français de la poésie de Yeats, ouverte en 1991 par Les Cygnes sauvages à Coole. Une réussite éditoriale qui mérite d’être saluée.