Marianne, 23 mars 2013, par Robert Redeker
Spinoza et la haine antijuive
Inclus dans le Traité théologico-politique, le manifeste de Spinoza sur l’être et le devenir des juifs intrigue. Persuadé qu’il s’agit d’un texte crypté, Jean-Claude Milner en restitue le texte clair. Apparaissent alors les thèses indécentes de Spinoza. Milner n’étant pas un de ces obsédés de la transgression, « indécence » est moins chez lui un terme valorisant qu’un mot motif d’interrogation et d’inquiétude. En quoi consiste cette indécence ? Les juifs sont pour Spinoza les coupables de la haine qu’ils suscitent. Le degré de liberté d’une république se mesure à son degré de sévérité à l’égard des juifs. La libre république qu’il appelle de ses vœux est celle de la persécution sans haine des juifs qui aboutit à l’effacement même du nom « juif ». Tout se passe comme si, pour Spinoza, le faux messie qui se prétendait le rédempteur du peuple juif, Sabbataï Tsevi, avait, en se convertissant à l’islam, montré la voie. À la nécessaire apostasie des juifs, de préférence en faveur de l’islam, s’articule l’apostasie du sage, en faveur d’une sorte de christianisme sans Église. Le Traité théologico-politique selon Milner, accomplit « l’apostasie publique de Spinoza ».
Il n’est hélas pas impossible, que son manifeste, qui peut résonner comme « un manuel des persécuteurs », connaisse de nombreux imitateurs.