Notes bibliographiques, avril 2011, par C.R.P. et M.-C.A.
Yannis n’a pas vingt ans quand Haris, son aîné, se suicide, en 1959. Leur enfance athénienne a été choyée, voire surprotégée, par un père déjà âgé qui les adore et une mère un peu moins tendre. Quand, à sept ans d’intervalle, ils quittent, pour des études en Belgique ou en France le cocon familial, ils sont peu armés pour affronter les autres, leurs différences, leurs exigences. Haris n’y survivra pas. Dès lors Yannis est habité par la disparition de son frère et pour le retrouver il commence à écrire…
Yannis Kiourtsakis emprunte au théâtre d’ombres la figure à deux têtes du carnaval populaire grec : le Dicôlon. Ce personnage qui porte sur son dos le corps de son frère mort l’obsède et l’inspire dans ce roman largement autobiographique. Sans cesse les mêmes thèmes – altérité et identité, survivance des morts, douloureux exil, difficile retour, place de la Grèce dans l’Europe – s’introduisent, se réintroduisent, se chevauchent, se démultiplient. Et de l’introspection élargie naît une fugue musicale quelque fois un peu longue, mais toujours incantatoire. L’auteur maîtrise magistralement son sujet tant dans la précision des souvenirs familiaux que dans l’évocation de son pays bien-aimé.