Sud-Ouest, 30 avril 2010, par Benjamin Perret
Fictions de souvenirs
Le Bordelais François Garcia puise dans sa mémoire pour dresser la trame de ses romans.
Longtemps, il s’est refusé à s’avouer ses envies d’écriture. Au point même d’y renoncer tandis que le carabin qu’il était alors noircissait déjà des pages et des pages de carnet. « Entre 20 et 30 ans, je n’étais jamais satisfait de mes écrits, comme de ma manière de toréer. Après ces deux échecs, je me suis dit qu’être un médecin correct, ça ne serait pas si mal. »
Son serment d’Hippocrate digéré, la plume fut pourtant la plus forte. J’en ai senti le besoin. Alors je m’y suis remis, sérieusement, depuis dix ans. C’est devenu l’une des composantes de l’organisation de ma vie. » Mais là encore, il fallut à François Garcia plusieurs années pour oser publier son premier manuscrit. « Je pensais ne pas être digne d’être partagé et j’ai toujours une certaine pudeur à m’exposer. J’ai attendu 50 ans pour le style et le rythme qui me convenaient. C’est un peu comme en tauromachie : il faut trouver le sitio, la distance… »
Une envie d’Ibérie
Si la tauromachie revient aussi souvent dans les paroles du docteur Garcia, c’est tout simplement parce que lui aussi voulut devenir torero. De Bordeaux, Bayonne, Dax ou Vieux-Boucau plus tard, la confrérie anonyme dont il fit partie était bien décidée à explorer les sentiers tauromachiques et assouvir leur envie d’Ibérie.
L’histoire de Paco. Paco Lorca, un jeune Bordelais d’origine espagnole raconté par François Garcia dans Bleu ciel et or, cravate noire, son deuxième roman, aux éditions Verdier : « Il s’agit du parcours initiatique d’un jeune homme qui me ressemble et a voulu devenir torero dans les années 1970. » Un récit autobiographique ? Garcia réfute l’idée. « Notre mémoire est forcément modifiée par rapport à la réalité. Il y a des traces de mon passé dans plusieurs personnages mais c’est une fiction. La fiction permet justement de revenir sur notre passé. »
Le passé de la famille Garcia, c’est aussi et surtout Bordeaux. Sa place des Capucins, les « Capus », les halles. Enfant, je donnais la main dans l’épicerie de produits espagnols et d’Afrique du Nord de ma famille. » Mais aujourd’hui, ce village dans la ville n’existe plus. « Les gens des Capus vivaient par et pour le travail. C’était dur et joyeux malgré une vie pénible. J’ai voulu parler de gens que j’ai aimés. » L’hommage, Jours de marché, jongle entre les époques, de la fin du XIXe siècle au mitan du XXe au travers des témoignages familiaux, de ses souvenirs et de la documentation qu’il a pu recueillir.
Un nouveau projet
Pourtant, pour son nouveau projet qui commence à voir le jour depuis une paire de mois, François Garcia s’est lancé un nouveau défi. Je veux me confronter à une fiction qui ne puise pas dans mon expérience personnelle. »
Il n’en dira pas plus. Si ce n’est sur le processus d’écriture qu’il a adopté. Levé dès l’aube, le médecin écrit avant d’ouvrir son cabinet. Puis, dès qu’il a un moment il griffonne quelques notes : « Je médite, mijote une scène jusqu’à ce que ça saute. Je peux alors écrire cinq ou six pages en une matinée. »
Une plume qui brûle, une envie quotidienne d’écrire. Un besoin, comme le confesse François Garcia. « L’écriture est devenue pour moi une nécessité. On vit mieux en écrivant. Cet acte nous renvoie à beaucoup d’humilité et à une remise en question permanente. »