La Montagne, 13 mai 2012, par Daniel Martin

Mariage et enterrement

La guerre d’Algérie, vue de métropole. Au croisement entre la vie ordinaire, indifférente, et le drame d’individus engagés.

Comment vivait-on la guerre d’Algérie dans la province française des années 1956-1957 ? Que disait-on de ces « événements », des attentats ou du départ des appelés ? Autant de questions qu’aborde François Garcia dans ce roman qu’il situe à Bordeaux, la ville où il a grandi, descendant d’immigrés espagnols.
Il a construit son affaire de manière à ce que l’on perçoive des opinions très différentes d’individus plus ou moins concernés, plus ou moins engagés. Pour beaucoup, l’Algérie paraît bien loin et la guerre, la deuxième, avec ses drames, ses privations, encore bien proche.
Au centre, il a placé la grande Halle. Un lieu bruissant de vie, de conversations très ordinaires. Car, si l’on évoque la situation et dit parfois son opinion, on préfère parler des prix, des anecdotes qui agitent le quartier, ou de Kopa, des premiers téléviseurs, des nouvelles DS.
Les commerçants ont d’autres chats à fouetter, un autre combat à mener pour ne pas être délocalisés en banlieue, dans un marché d’intérêt général…
En contrepoint, Garcia s’intéresse à deux jeunes gens, impliqués bien malgré eux, dans la tourmente. Karim immigré algérien, Maxime, étudiant français. Le premier est enrôlé par le FLN. Le second craint d’être appelé sous les drapeaux. Les deux avaient d’autres projets. Ils attrapent le peu de bonheur qui passe à leur portée, agissent, aiment, se démènent sans jamais pouvoir partager leur peur.
La réussite de ce roman vient de ce qu’il entrecroise ces destins singuliers et l’ordinaire des jours, sa nécessaire insouciance. Mêle les rires et l’émotion. Car, ce qui commence par un mariage, se terminera dans le sang, par un enterrement.
Un regret, pour finir, une écriture un peu replète, chargée de détails inutiles qui occultent l’essentiel : l’éternelle difficulté à bien percevoir son époque.