Sud-Ouest, 19 mai 2001
L’universitaire et aficionado bayonnais signe aujourd’hui samedi (11 h) une ode à Curro Romero, le champion des broncas et des moments sublimes.
Francis Marmande, voisin de callejón à Bayonne, dit parfois quand le moment qui se produit sur le sable emplit ses yeux bleus angéliques : « Note ça, note petit ! ». Lui n’écrit pas mais retient tout, et surtout ce que personne n’a réellement senti. La plastique du toro, la pointure du torero, la note de musique assénée comme un coup d’aizkolari n’échappent pas à l’épervier de l’arte.
Alors saluons comme un bienfait ces 103 pages intitulées Curro, Romero, y Curro Romero. Un ouvrage condensé à mettre entre toutes les mains. Celles de ceux qui ont adoré le « Pharaon de Camas », de ceux qui l’ont haï et l’ont conspué au-delà du raisonnable, de ceux qui ne l’ont jamais connu et le regretteront toute leur vie.
« En un sens, un moment ou l’autre, tous les grands toreros avec qui il aura alterné – et à force il aura alterné avec tous –, ont toréé mieux que lui ; mais aucun aussi bien. » Avec une science du mot exact, Marmande – et pourquoi ne s’est-il pas appelé Francis Bayonne – cisèle une faena littéraire, narre les cinquante-trois pas et demi du paseo à la Maestranza accomplis avec « arte », les quatorze véroniques et trois demies qui mettent debout les quatorze mille spectateurs de la plaza. « Séville se hait en lui » ce 1er mai 1982 au sortir d’un « bache » de plusieurs siècles. « On en a repris pour cent ans. À la stupeur générale Curro coupe une oreille après une énorme faena. Horloges arrêtées. Temps suspendu. La vie retient son souffle et le Guadalquivir coule plus noblement ».
Marmande, étonnant comptable des moments célestes retient aussi les années noires, celles pendant lesquelles « les gens de toutes les Espagnes se munissent de papier hygiénique pour le conspuer ».
A lire sans modération et n’importe où. Même sur les tendidos pour le cas où les acteurs du moment auraient laissé l’« arte » dans le coffre de leur « coche de cuadrilla ».