Art Sud, juillet 2007, par Philippe Jérôme
Nimeño II, recouvre-le de lumière
Le monde taurin rend hommage cette année à Christian Montcouquiol, alias Nimeño II, né matador voilà trente ans et qui s’est donné la mort par désespoir de ne plus pouvoir exercer son art.
« La mort, elle est là, toute proche dans cet hôpital. Elle zigzague entre des mots nouveaux que je découvre, des mots vides qui flottent encore et que je remplirai de tout leur poids d’horreur pendant les jours et les semaines qui vont suivre. Assistance respiratoire, tétraplégie. Christian va peut‑être mourir et je veux de toutes mes forces qu’il respire, qu’il vive, qu’il bouge, qu’il coure sous la bronca, qu’il saute la barrière sous les insultes, mais qu’il vive ! Et quand on vient me dire que cette nuit d’orage est peut‑être la dernière, je m’accroche à une phrase entendue un jour au Mexique : — Pense fort à lui, recouvre‑le de lumière… »
C’est un livre terrible qu’Alain Montcouquiol, l’un des tout premiers toreros français d’après guerre a écrit sur le parcours fulgurant de son petit frère Christian, Nimeño II pour les aficionados. Philippe Caubère, un soir d’été en avait donné des extraits devant une tête de taureau enflammée. Sur les frais gradins de pierre des arènes d’Arles, le public clairsemé était bouleversé. Le comédien aussi : il se trouvait alors, perché sur un tabouret, seul sur le sable à l’endroit même où la vie de Nimeño II avait basculé.
Le bourreau du jeune Nîmois surdoué s’appelait Panolero. Un Miura comme celui qui avait crucifié Manolete auquel Christian Montcouquiol par son physique austère et la dureté de son caractère faisait songer. C’était le 10 septembre 1989, une terrible blessure infligée comme pour venger tout ce bétail estoqué en quatre cent vingt‑huit corridas. Six mois auparavant, n’avait‑il pas envoyé ad patres six toros de Guardiola, à Nîmes même ? Un triomphe historique, le début de la fin.
Nimeño II était alors au plus haut. Le souvenir des galères en Espagne avant l’alternative prise en mai 1977, les stigmates des coups reçus de toros vicelards aux quatre coins de l’Amérique du Sud où il avait quand même fini par s’imposer, commençaient à s’estomper. Plus cruelle fut la chute. Lorsque Nimeño II comprit que son bras gauche ne répondrait plus jamais à son cerveau et qu’il ne pourrait donc plus jamais toréer, Christian Montcouquiol décida d’en finir. Il se suicida dans sa maison du Gard. Nous étions en novembre 1991, il avait 37 ans. Quelque part en Andalousie des Miura prenaient des forces pour les combats du prochain printemps.