Olé !, 21 mars 2012, par Michèle Solans
Alain Montcouquiol se dit plutôt auteur qu’écrivain, « artisan » d’une écriture qu’il veut simple en veillant à sa musicalité. Si parvenir à la simplicité et à la poésie est un souci pour lui, alors il nous récompense de ça, de ce travail qu’il vient encore de faire en nous donnant à lire, avec toute la générosité et l’humanisme qui le caractérisent, vingt_neuf séquences, comme des morceaux choisis de sa vie, et celle de son frère, Nimeño II, grand et jeune torero français. Si nos souvenirs sont bons (il a peut-être écrit avant sans publier ?), il s’y est mis comme on dit, huit ans après la mort tragique de Christian, avec le magnifique texte Recouvre-le de lumière, en 1997, puis le Sens de la marche.
Le titre Le Fumeur de souvenirs lui a été inspiré par une ranchera, une rengaine mexicaine chantée par Amparo Ochoa et qui commence par ces mots, « J’ai allumé un souvenir, et lentement je l’ai fumé ».
Et si les deux premiers livres étaient inondés du deuil, impossible à faire, celui-ci est consacré aux souvenirs radieux, aux rencontres avec des anonymes, des grands noms du cinéma et de la tauromachie, avec des descriptions si justes d’ambiance de café, de rues, d’arènes, de Madrid à Lisbonne, de Nîmes au Michoacán…
On y découvre un Nimeño II croquant la vie avec enthousiasme, heureux, fier, confiant, et lui, le frère qui écrit, a ce courage étonnant de nous raconter sa peur, un jour, face à « son toro », et l’écriture, là, à cet endroit-là, bascule : sa forme est haletante, continue, tendue, quand les autres récits sont doux, enlevés, souvent drôles. Nous, amateurs ou pas, devrions être comme lui, car Alain Montcouquiol ne s’intéresse pas aux questions d’être anti ou pro corrida, parce que le sujet n’est pas celui-là, il est au-delà. Ce que l’on lit, ici, est une attention aux hommes, à ce qu’ils vivent, à leur misère, leur bonheur et ce qu’ils vont savoir laisser au monde, et dans quel état nous allons le laisser à nos enfants, aux générations qui vont suivre.
Le Fumeur de souvenirs est un ouvrage qui lui ressemble humble, humain, cultivé, où les émotions des « choses simples de la vie » nous rappellent l’empathie nécessaire à tout être civilisé.