Toros, 17 novembre 2008, par Joël Bartolotti

Alain Montcouquiol, en tauromachie Alain « Nimeño », ne nous avait pas tout dit dans Recouvre-le de lumière, l’œuvre émouvante, sensible, beaucoup lue et justement louée, consacrée à son frère Christian « Nimeño II », le matador.
Le Sens de la marche, dont je viens d’achever la lecture, d’une seule traite comme on avale un verre d’eau fraîche un jour de canicule, me laisse sur un sentiment nostalgique et douloureux. Nous pénétrons, au fil des pages, dans l’univers et l’intimité des « Nimeños », et vivons leurs grands moments et leurs misères. Nous touchons les racines, les branches et même les fruits de leur arbre de vie. Le lecteur se sentira, rapidement et tout à la fois, orphelin, nîmois, maletilla, torero, voire psychanalyste, tant les confessions de l’auteur – un véritable cri de douleur et d’amour pour ce frère disparu – sont profondes et sincères comme le toreo eterno. À sa vie d’homme et de torero, cousue d’altibajos comme pour la plupart d’entre nous, entre ombre et lumière, Alain superpose ou mêle en permanence celle de Christian dont le souvenir l’obsède. La statue de bronze du matador qu’il contemple tous les jours, à quelques pas de son domicile, entretient ce sentiment : « Ce fourmillement de vie, autour du vieux géant de pierre [les arènes de Nîmes], me touche et m’émeut chaque fois. Je ne suis encore ni gai ni triste, je suis vivant, seulement vivant, peu à peu pénétré par la conscience insupportable que Christian, lui, est mort pour toujours. »
À travers quelques pages superbes d’un réalisme et d’une sensibilité poignants, d’un style sobre et simple, loin de toute emphase, comme la tauromachie du petit frère, Montcouquiol revisite le temps avec nous. Hier et aujourd’hui. Nîmes et Madrid. Le Mexique où Christian se produisit plus de cent fois. Arles et le Centre de soins (et de souffrance muette) de Cap-Peyrefitte. L’ombre des autres martyrs du toreo, « Paquirri », Robles, « Manolete »… Les images passent. La bohème, le toreo dans sa grandeur et sa misère, l’insouciance, le rire, les larmes. Alain vit à travers Christian et Christian vit et survit pour nous à travers Alain et sous sa plume. Magnifique, émouvant et douloureux, plus encore pour ceux qui ont connu et aimé Christian.