Notes bibliographiques, avril 2010
Après trois ans passés loin des siens, Roman retrouve la maison de son enfance et la campagne alentour avec un bonheur exalté. L’expérience citadine l’a cruellement déçu. Il quitte le barreau pour se consacrer à la peinture, jouir à nouveau des paysages et du silence. Jusque dans la plus modeste des isbas, son retour est accueilli par des effusions de joie, sa gentillesse et sa générosité étant connues de tous. Cependant, sans qu’il se l’avoue tout à fait lui-même, son espoir le plus vif est de revoir celle qu’il aime.
La Russie profonde est ici dépeinte avec une puissance d’évocation et une précision du détail admirables. La nature est frémissante, les personnages s’illustrent par des caractères remarquablement trempés. L’âme « russe » de Roman, entière et flamboyante, reçoit les souffrances de plein fouet et des changements intérieurs s’opèrent par touches insensibles. Rien, pourtant, ne laisse prévoir la fin abominable que traduit l’écriture tout en brisures des dernières pages. Coutumier de la provocation (cf. Journée d’un opritchnik, NB mai 2008), Vladimir Sorokine n’oppose aucun frein à l’horreur, et l’on émerge à grand-peine de l’hébétude dans laquelle il nous a plongés.