Pour le trentième anniversaire de sa mort, 2007
« C’est parce qu’il n’a pas eu peur que Jan Patocka a été littéralement mis à mort par le pouvoir. L’acharnement mis contre lui prouve que le plaidoyer philosophique pour la subjectivité devient, dans le cas de l’extrême abaissement d’un peuple, le seul recours du citoyen contre le tyran », écrivait Paul Ricœur dans Le Monde du 19 mars 1977, en hommage au philosophe tchèque décédé six jours plus tôt à la suite du harcèlement policier que lui avait valu son engagement civique en tant que porte-parole du mouvement de la Charte 77 pour la défense des droits de l’homme dans son pays. La presse française a été alors parmi les premières a réagir, et depuis la traduction des Essais hérétiques aux éditions Verdier en 1981, l’importance de la France ne s’est jamais démentie comme terre d’accueil spirituel de cet élève de Husserl dont la réflexion conjugue d’une façon spécifique – plus vivante que jamais aujourd’hui dans son refus de toute réponse définitive ou dogmatique – phénoménologie, histoire et politique.
Cette année 2007 marque à la fois le trentième anniversaire de la mort dramatique de Patocka et le centenaire de sa naissance. Le double événement sera commémoré à Prague du 22 au 28 avril par un colloque international, organisé conjointement par l’Université Charles et l’Académie des sciences de la République tchèque, le Cercle Husserl, l’Institut für die Wissenschaften vom Menschen de Vienne et les Archives Husserl de Paris (ENS), avec des participants venus de France, de Belgique, d’Allemagne, d’Autriche, d’Italie, des Pays-Bas, de Hongrie, de Pologne, de Suède, des États-Unis, du Canada, d’Argentine, d’Australie et de Chine. À cette occasion, un doctorat honoris causa sera décerné à Erika Abrams, traductrice française de Patocka, par la Faculté de Philosophie de l’Université Charles de Prague, pour le rôle exceptionnel qu’elle a joué depuis vingt-cinq ans dans la diffusion de sa pensée.
Trente ans après la mort de Patocka, la « tyrannie » est, dans son pays redevenu membre à part entière de la communauté européenne, une chose du passé, mais les questions qui se posent à l’Europe et aux protagonistes de l’actuelle « ère planétaire » qui perpétuent, se disputent ou détournent son « héritage » ne sont pas moins brûlantes pour autant, comme n’est pas moins actuelle la réflexion que le philosophe tchèque leur consacre, en partant du thème socratique et platonicien du « soin de l’âme », dans le nouveau volume qui paraît aujourd’hui en traduction chez Verdier : L’Europe après l’Europe, traduit de l’allemand et du tchèque sous la direction d’Erika Abrams avec une postface de Marc Crépon (ENS) ; en librairie le 1er mars, en même temps qu’une réédition des Essais hérétiques dans la collection « Verdier poche ».