Études, mai 2008, par Sarah Brunel
En découvrant ce livre, le lecteur se surprend à penser que les grands auteurs qui nous semblent plus ou moins connus resteraient étrangers et lointains si cette familiarité n’était brisée par une approche nouvelle qui nous les rend contemporains. La démarche phénoménologique de Michel Henry inspire l’écriture élégante et inquiète de Paul Audi. La nature est une origine comprise comme la condition première de manifestation de phénomènes ; elle désigne aussi l’expérience absolue et inaliénable de la subjectivité, de l’âme qui s’éprouve elle‑même comme vivante, dans l’immanence de son affectivité, celle de la jouissance ou de la souffrance. Elle est alors saisie du point de vue de l’intériorité, dans la permanence d’une présence à soi : « Rousseau ne conçoit l’être que sur le fond d’une vie dont il définit la manifestation en termes de “sentiment intérieur”. » Il se démarque ici des principes matérialistes de son siècle et de l’affirmation propre aux Lumières d’une morale fondée sur la seule raison purifiée de son ancrage sensible. La philosophie de l’âme est alors indissociable d’une « éthique de l’affectivité » fondée sur l’amour de soi, et non d’une morale à portée normative. Elle désigne un accord de la subjectivité avec l’ordre de la nature, qui se révèle par la voix de la conscience et l’injonction de prendre soin de soi : « L’humanisation de l’homme est un combat contre la dénaturation de son âme. »