Le Courrier de L’Escaut, 20 juin 1998, par Michel Voiturier
Considéré par son auteur comme un divertissement, ce livre drôle et ironique a des allures qui rappellent de grands classiques : les Lettres persanes de Montesquieu, le Candide de Voltaire, L’Île des pingouins d’Anatole France
Partant du constat que « le prétendu communisme ne fut jamais qu’un capitalisme d’État bureaucratisé », Vaneigem donne à Joseph Staline une parole posthume qui lui permet de jeter sur notre société (pourrait-on dire civilisation ?) un regard plutôt acerbe.
Car il considère que, même depuis la chute du mur de Berlin et le déboulonnage des statues du mort du Kremlin, pas grand-chose n’a changé dans le monde.
Constatant que « l’homme libre a été la plus belle conquête du hamburger », l’ex-petit père du peuple rappelle que les promesses d’une vie meilleure faites par le libre-échange mondialisé n’ont pas plus de chance d’être tenues que celles qu’il a lui-même tenues au temps du marxisme dévoyé.
Il serait bien temps, néanmoins, de tenir compte « des plaisirs de la rencontre, de l’amour, de l’amitié, de l’art, du savoir, de la création, de la tendresse, que sais-je encore qui passionne les hommes, les femmes, les enfants dès qu’ils cessent d’être astreints à de rentables corvées ».
Sous la plume du Lessinois, dont le style ne cesse de conserver des délicatesses de XVIIIe siècle, le vieux dictateur jubile. Il a laissé un désert économique en deçà du rideau de fer ; les capitalistes qui le vilipendaient laissent, eux, un universel désert écologique et social. Rien n’est totalement perdu, sans doute, à condition que chacun se convainque que « la vie n’est ni un droit ni un devoir mais une volonté ».