Europe, octobre 2013, par Frédéric Jacques Temple
Ce n’est pas rien d’être plongé dans l’intimité de Gustave Courbet. Il faut tout le talent de David Bosc pour que nous puissions y avoir accès. L’auteur de ce beau petit livre se sert des mots comme un peintre des couleurs. Cette « Rencontre » avec le communard réfugié dans le canton de Vaud, renvoie à celle de l’artiste avec son mécène, Alfred Bruyas, dans la campagne montpelliéraine. Sauf que ce portrait est celui d’un exilé qui vit ses dernières années sur les rives radieuses du lac Léman. Cette fin de vie est mal connue. David Bosc en a fait un « roman », ce qui ne veut pas dire « fiction ». Le terme de biographie ne conviendrait pas davantage. Ici, la documentation, abondante et nécessaire, se pare d’un style coloré, sonore, odorant, avec çà et là les pointes d’ail d’une préciosité chatoyante et efficace. Quel magnifique portrait !
L’écrivain, que nous connaissons pour deux romans publiés chez Allia, Sang lié et Milo, déjà plus que prometteurs, possède une très riche palette d’images. Et, de touche en touche, il a restitué non seulement le « climat » d’une œuvre, mais aussi, et peut-être surtout, le son d’une voix, le goût de la liberté, la fragrance tenace des sueurs intimes, les vagabondages par routes et champs, les pulsions, la fringale de vivre à tout prix. Un homme, un vrai : « Courbet, lui, aimait les fleurs, les fruits, les femmes, les peaux de bêtes, les peaux de femmes, les arbres immenses et la broussaille, le sang dans les plumes, le sang dans les poils, la poudre et le plomb, la terre odorante, la boue, la pluie, l’eau, la brume, l’eau, les vagues, l’eau, les flaques, l’eau, les lacs, l’eau, et comme Baudelaire, il aimait les chevelures – feu liquide des rousses, des blondes, flammes mouillées des brunes, flots des noyades fines… » Ajoutons aux besoins de cet homme assoiffé, le clair vin blanc du Dézaley. En composant ce portrait vivant de Gustave Courbet, David Bosc a fait aussi celui du bel écrivain qu’il est, sans aucun doute.