La Liberté, 20 avril 2013, par Florian Quentin

Écrire pour renaître

Le dernier récit de Patrick Autréaux plonge à nouveau son lecteur dans l’univers effrayant de la maladie. Après Dans la vallée des larmes (2009), Soigner (2010) et Le Dedans des choses (2012), publiés tous trois aux éditions Gallimard, l’auteur clôt un cycle littéraire consacré à l’écriture du moi malade. Une succession de tableaux, touchants, captivants, accompagnés de nombreuses réflexions philosophiques sur les expériences du patient, tant dans son rapport à la maladie qu’à son rapport aux autres.

Se survivre touche d’autant plus qu’il est personnel. Ce récit à la première personne, sans être autobiographique de bout en bout, emprunte beaucoup aux expériences de Patrick Autréaux lui-même ; atteint d’un cancer à l’âge de trente-cinq ans, il s’en faut de peu que ses récits ne voient jamais le jour. Si l’auteur se considère avec raison comme un « deux-fois né », cette renaissance resurgit dans son œuvre à travers les expériences de son personnage. À la légèreté matérielle de l’ouvrage s’oppose la lourdeur physique et morale des chimiothérapies. Même si « survivre n’est pas vivre », le désespoir fait bientôt place à un changement. En sept chapitres courts, Patrick Autréaux raconté le passage du malade à l’écrivain.

« Une bouée de sauvetage : écrire. » Au cœur de son récit, la promesse non tenue d’un jeune homme faite à un vieux poète dissident vietnamien d’écrire son histoire. La promesse s’est oubliée. Rapproché du vieux poète par leur expérience commune du malheur, le narrateur s’efforce alors de s’acquitter de cette promesse oubliée, de cette « dette karmique ».

Paru en mars aux éditions Verdier, Se survivre trahit bien la double formation médicale et littéraire de son auteur Sa prose, parfois très poétique – et dont plusieurs poèmes interrompent d’ailleurs la marche –, contraste avec une écriture froidement médicale. La lucidité de Patrick Autréaux plaira sans doute à ceux qui aiment voir dans les événements dramatiques une étape de vie et, surtout, l’occasion d’un second départ. Car, malgré la menace d’une stérilité, la trahison du corps se révèle en définitive fertile. Elle donne au malade la chance de tenir sa promesse : « Écrire pour les temps de malheur. »