L’Hebdo (Suisse), 29 août 2013
Rentrée littéraire : nos coups de cœur
[…] Ce récit bref, sensuel, raffiné et terreux, raconte les dernières années de Gustave Courbet en Suisse. Pas besoin d’intrigue artificielle : l’enjeu, c’est le regard qu’un grand peintre porte sur le monde, son « affrontement avec le temps ». Très travaillé, La Claire fontaine donne l’agréable impression d’avoir été improvisé, jeté sur le papier, comme la peinture étalée par Courbet sur ses toiles avec son couteau à palette. Précis mais vivant. Courbet est devant nous, « sa bedaine, sa barbe de sapeur », son appétit et sa soif gargantuesques. Il se baigne dans le Léman à des heures indues et traite les autorités de La Tour-de-Peilz de « chenoilles ». Il visite un « bordel honnête » de Vevey, où les filles ont « de bonnes joues rouges et une odeur de savonnette ». Il fascine pour sa façon d’enjamber les frontières, comme un Tsigane. De n’être « ni moderne ni nostalgique », de peindre des natures mortes « secrètement émues », des vagues « médusées » et comme changées en ciment, des animaux à l’odeur de « carnage » et des femmes qui tressaillent sous le feu du plaisir. […]