Lire, décembre 2013, par Alexandre Fillon
Du côté d’Ornans
Une évocation très incarnée et sensuelle du peintre Gustave Courbet, de son œuvre et de son exil en Suisse après la Commune.
De tout temps, la Suisse servit de refuge pour les artistes. Elle l’a été notamment pour Gustave Courbet. Le peintre, chef de file du courant réaliste, qui a tant déchaîné les passions avec L’Origine du monde, David Bosc s’en empare à la fin du mois de juillet l873. Alors qu’il quitte Ornans, sa ville natale du Doubs, et qu’il franchit la frontière avec ses rouleaux de toile, ses boîtes de couleurs, son chevalet et son élève, le jeune Marcel Ordinaire.
Lorsque s’ouvre ce beau et lumineux livre qu’est La Claire Fontaine, Courbet se voit comme mort, tué par la Commune de Paris dont il a, avec ardeur, soutenu l’action. Il choisit de laisser derrière lui « la colonne Vendôme et les emmerdements ». Il faut rappeler que l’artiste engagé avait souhaité voir déplacer ladite colonne vers les Invalides et non l’abattre, comme le décidèrent ses camarades de la commune. Qu’il fut tenu pour responsable de son déboulonnage, purgea une peine de prison et fut ensuite sommé de la faire relever à ses frais.
Déjà auteur de Sang lié (Allia, 2005) et de Milo (Allia, 2009). David Bosc lève le voile sur un épisode méconnu de la vie de Courbet, sur ses d’années d’exil en Suisse. Le fanfaron passe d’abord par Neuchâtel, puis Genève, « où vivaient les deux tiers de la proscription. soit cinquante communards », Vevey et enfin La Tour-de-Peilz, sur les bords du Léman, où il va s’éteindre le 31 décembre 1877.
Le romancier cerne Courbet, qui travaillait principalement sa peinture à l’huile au couteau à palette, avec la plus grande des finesses. Voici que l’on approche au plus près un Courbet dont le plaisir était la baignade « dans tous les courants, ruisseaux, fleuves et lacs qui n’étaient pas saisis par le gel ou annulés par la sécheresse ».
Sous la plume élégante et précise de Bosc ressurgissent toutes les nuances de l’homme, avec sa bedaine et sa barbe de sapeur, qui aimait rire et faire rire. L’opiniâtre qui a exercé sans relâche sa liberté. L’amateur de bonne chère avec du sang plein les veines. Le sensuel, sans cesse émerveillé par la joie d’être au monde, qui posait sur la nature « un regard droit, à hauteur d’existence, sans escamoter ni le ciel ni le sol ».